Aide médicale à mourir
Le 17 juin 2016, le gouvernement fédéral a adopté une modification au Code criminel du Canada (le « Code criminel ») pour permettre aux médecins et aux infirmiers praticiens de fournir une aide médicale à mourir et à d’autres fournisseurs de soins d’aider leurs clients dans ce processus, pourvu qu’ils respectent les dispositions de la loi, les exigences provinciales applicables et les normes professionnelles.
Ce document est conçu pour préciser les attentes professionnelles et les obligations éthiques des ergothérapeutes relativement à l’aide médicale à mourir. Il offre également des conseils aux ergothérapeutes qui ont une objection de conscience à fournir une aide médicale à mourir à leurs clients.
Les gouvernements fédéral et provincial continuent de surveiller les cas d’aide médicale à mourir. Le gouvernement fédéral doit également examiner les questions complexes, comme les demandes faites par des mineurs matures, les demandes anticipées (pour les personnes qui veulent faire une demande maintenant parce qu’elles ont peur d’être incapables de prendre une telle décision plus tard) et les demandes pour lesquelles la maladie mentale est le seul problème médical. Pour traiter certaines de ces questions, le gouvernement fédéral a adopté en mars 2021 le projet de loi C-7 – Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir) et a élargi l’accès à ce processus. Le présent document reflète ces changements. Si des divergences sont observées entre ce document et la loi, la loi a préséance.
Aperçu de la loi
Les médecins et les infirmiers praticiens sont autorisés, lorsqu’une personne en fait la demande, à fournir à cette personne une aide médicale à mourir d’une des deux façons suivantes :
- administrer directement une substance qui provoque la mort; ou
- donner ou prescrire un médicament que la personne admissible prend elle-même, afin de provoquer sa propre mort.
Pour être admissible à l’aide médicale à mourir, une personne doit remplir tous les critères stipulés dans la loi :
- elle est admissible à des soins de santé financés par l’État au Canada;
- elle est âgée d’au moins 18 ans et est mentalement capable;
- elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables;
- elle a fait une demande d’aide médicale à mourir de manière volontaire (sans pressions ou influences extérieures);
- elle consent de manière éclairée à recevoir l’aide médicale à mourir (un consentement anticipé ou le consentement d’un mandataire spécial n’est pas permis). La substance peut toutefois être administrée à une personne qui a perdu la capacité d’accorder son consentement si son décès est raisonnablement prévisible et que cette personne avait conclu une entente avec le médecin ou l’infirmier praticien et avait consenti à obtenir de l’aide médicale à mourir avant de devenir incapable. La substance peut également être administrée à une personne qui a perdu la capacité de consentir parce qu’elle a pris elle-même une substance fournie par un médecin ou un infirmier praticien à des fins d’aide médicale à mourir;
- il y a un témoin indépendant de la signature de la personne sur sa demande écrite d’aide médicale à mourir. Le témoin indépendant de la signature peut être quelqu’un qui fournit des services de santé ou de soins personnels payés à cette personne.
Conformément à la législation fédérale, une personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables seulement si elle remplit tous les critères suivants :
- elle est atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap grave et incurable;
- sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
- elle subit des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables;
- sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été nécessairement établi quant à son espérance de vie.
Lorsque la mort n’est pas raisonnablement prévisible :
- le médecin ou l’infirmier praticien qui fournit l’aide médicale à mourir doit consulter un autre professionnel de la santé s’il n’a pas d’expertise dans le trouble médical qui incite la personne à demander cette aide;
- 90 jours doivent s’écouler entre la première évaluation des critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir et le jour où la substance est administrée. Cette période peut toutefois être raccourcie si la personne va bientôt perdre la capacité de prendre ses propres décisions sur ses soins de santé, pourvu que les deux évaluations aient été réalisées.
Une personne atteinte d’une maladie mentale peut être admissible à l’aide médicale à mourir si elle satisfait tous les critères à cet effet. Les personnes qui souffrent uniquement d’une maladie mentale ne seront toutefois pas admissibles à l’aide médicale à mourir jusqu’au 17 mars 2023, lorsque l’on s’attend à ce que cette disposition soit abrogée.
Le 9 mai 2017, le gouvernement provincial a adopté la Loi de 2017 modifiant des lois en ce qui concerne l’aide médicale à mourir pour fournir plus de précisions et protéger les patients et les fournisseurs de soins de santé. Cette loi et les modifications apportées en mars 2021 à l’aide médicale à mourir traitent des points suivants :
- les avantages sociaux, pour s’assurer qu’ils ne seront pas refusés uniquement en raison d’une mort médicalement assistée;
- la protection des professionnels de la santé de toute responsabilité civile lorsqu’ils prodiguent légalement l’aide médicale à mourir;
- les renseignements personnels sur les personnes et les établissements qui offrent l’aide médicale à mourir sont protégés et ne pourront pas être dévoilés;
- l’établissement de rapports et la surveillance efficaces concernant les cas d’aide médicale à mourir;
- l’établissement d’un service de coordination des soins afin d’aider les patients et les soignants à accéder aux renseignements et aux mesures de soutien concernant l’aide médicale à mourir et d’autres options de soins en fin de vie.
Rôles et responsabilités des ergothérapeutes en matière de mort médicalement assistée
Selon la loi, les ergothérapeutes ont le droit d’aider un médecin ou un infirmier praticien à fournir une aide médicale à mourir, conformément à la législation fédérale et provinciale ainsi qu’aux normes de la profession.
Exercer sa profession de manière éthique
On s’attend à ce que les ergothérapeutes respectent leur code de déontologie dans tous leurs domaines et milieux de travail. Le code de déontologie est particulièrement important pour établir ce que l’on attend des ergothérapeutes relativement à l’aide médicale à mourir puisque les valeurs et principes fondamentaux de l’ergothérapie influencent la position de l’Ordre.
Compte tenu du caractère délicat de l’aide médicale à mourir, on s’attend à ce que les ergothérapeutes traitent chaque client avec dignité, qu’ils respectent le choix du client, qu’ils adoptent des pratiques adaptées aux réalités culturelles et qu’ils ne portent aucun jugement lors de leurs interactions avec les clients, les familles et d’autres fournisseurs de soins.
Connaître et comprendre toutes les lois, normes professionnelles et politiques organisationnelles pertinentes
On s’attend à ce que les ergothérapeutes connaissent et comprennent les lois qui portent sur l’aide médicale à mourir, leurs répercussions sur les normes d’exercice de l’ergothérapie et leur application dans le contexte de la pratique. Les ergothérapeutes qui sont confrontés à la question d’aide médicale à mourir dans le cadre de leur pratique devraient garder un oeil sur les changements qui pourraient influer sur leur pratique.
En vertu de la législation, les ergothérapeutes ne sont pas autorisés à déterminer l’admissibilité d’un client à l’aide médicale à mourir. Les ergothérapeutes peuvent toutefois avoir un rôle lorsqu’il s’agit d’aider un médecin ou un infirmier praticien à déterminer cette admissibilité. On peut aussi demander à un ergothérapeute de fournir des services d’ergothérapie, y compris une évaluation, un traitement ou une consultation à un client après que son admissibilité à une mort médicalement assistée ait été confirmée.
En plus de la législation et des attentes de l’Ordre, les ergothérapeutes doivent connaître la position de leur employeur concernant l’aide médicale à mourir et comprendre toute politique ou procédure organisationnelle à ce sujet. On encourage les ergothérapeutes à obtenir des précisions sur ces politiques ou procédures si la position de l’employeur n’est pas claire. Certains organismes peuvent refuser d’accorder de l’aide médicale à mourir en raison d’une objection de conscience ou de croyances religieuses.
Comprendre et appliquer le rôle de l’ergothérapeute
Les ergothérapeutes doivent comprendre qu’ils ne sont pas autorisés à déterminer l’admissibilité d’un client à une mort médicalement assistée et ils doivent connaître les étapes à suivre pour appuyer leur client de façon appropriée au cours de ce processus.
S’il est la première personne à qui un client exprime son désir d’obtenir une mort médicalement assistée, l’ergothérapeute doit :
- respecter l’autonomie du client, garder sa pratique axée sur le client et le traiter avec dignité, quelles que soient les croyances et valeurs de l’ergothérapeute;
- informer le client du rôle de l’ergothérapeute concernant ce type de demande, y compris le fait qu’il n’est pas autorisé à déterminer l’admissibilité du client à une mort médicalement assistée;
- obtenir le consentement du client à acheminer celui-ci à un professionnel de la santé légalement autorisé (médecin ou infirmier praticien) à déterminer l’admissibilité du client à une mort médicalement assistée;
- poursuivre le plan de traitement ergothérapeutique qui avait déjà été décidé, selon ce qui est approprié.
Dans le cadre du champ d’application de l’ergothérapie, il existe plusieurs options de traitement appropriées pour les clients qui sont admis à une mort médicalement assistée (Bernick, Winter, Gordon et Reel, 2015). Ces services d’ergothérapie peuvent comprendre :
- Aider à conclure les rôles occupationnels de la vie du client
- Évaluer la capacité et/ou la cognition du client
- Examiner les options pour une participation continue du client ou des options de rechange
- Créer de beaux souvenirs
- Conseiller les clients et leur famille
- Renseigner sur les différentes options de soin en fin de vie
- Aider le client en ce qui concerne l’équipement requis et les mesures favorisant le confort
- Renseigner les clients et leur famille sur les ressources disponibles
Objection de conscience
La législation sur l’aide médicale à mourir respecte les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé. Certains ergothérapeutes peuvent choisir de ne pas participer ou aider à fournir une aide médicale à mourir pour des raisons de conscience ou de religion.
Si un ergothérapeute a une objection de conscience concernant l’aide médicale à mourir, il doit quand même :
- agir de façon transparente en comblant ses responsabilités et en rendant compte de ses actions, conformément aux normes d’exercice;
- respecter l’autonomie du client, garder sa pratique axée sur le client et le traiter avec dignité, quelles que soient ses croyances et valeurs;
- fournir toute l’information disponible et ne pas limiter l’accès à l’aide médicale à mourir;
- acheminer le client vers les services et ressources disponibles concernant l’aide médicale à mourir;
- obtenir le consentement du client à l’acheminer à un autre professionnel de la santé qui pourra traiter la demande du client concernant une mort médicalement assistée de façon appropriée;
- poursuivre les éléments du traitement ergothérapeutique qui ne sont pas directement liés à la demande d’aide médicale à mourir, selon ce qui est approprié, jusqu’à ce que les soins du client puissent bien être transférés à un autre ergothérapeute ou fournisseur de services.
Lorsqu’il détermine s’il serait approprié de continuer à fournir des soins, l’ergothérapeute doit être certain que ses croyances et valeurs personnelles ne créeront pas un conflit d’intérêts qui pourrait l’empêcher d’agir dans les meilleurs intérêts du client. Il doit également s’assurer que le fait de cesser de fournir des services ne compromettra pas la sécurité de son client ou les résultats prévus de l’intervention. L’abandon de services professionnels nécessaires est discuté dans le Règlement de l’Ontario 95/07 sur la faute professionnelle, ainsi que dans le document Cessation de services.
Ressources
- Gouvernement du Canada : Aide médicale à mourir
- Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario : L’aide médicale à mourir – Professionnels de la santé
- Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario : L’aide médicale à mourir – Renseignements à l’intention des patients
References
Bernik, A., A. Winter, C. Gordon et K. Reel, (2015). Could occupational therapists play a role in assisted dying? Présentation à la conférence de l’ACE. Winnipeg (Manitoba).
Carter c Canada. [2015] 1 SCR 331.
Loi de 2017 modifiant des lois en ce qui concerne l’aide médicale à mourir.
Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), 2021.
Règlement de l’Ontario 95/07 : Faute professionnelle.